mardi 22 janvier 2008

Booba

"Ca ne m'intéresse pas de faire le Joey Starr"

Booba (Gasface en main)
: Putain, elle est bonne la meuf du sommaire… C’est qui ?

Je sais plus… Par rapport au succès de Ouest Side, t’as le sentiment d’avoir un nouveau statut auprès du grand public ?
C’est clair que je suis plus populaire, plus célèbre. Ça se ressent par rapport aux médias qui s’intéressent à moi. On passe plus mes clips à la télé, on me joue plus à la radio, dans la rue… (Une employée de l’hôtel, la trentaine, lui demande un autographe en bafouillant)
" Vous pouvez m’écrire un p’tit mot ?
- J’suis en interview, dès que j’ai terminé..."
Genre ça ? C’est nouveau ?
Ouais, voilà, genre ça… Ça va. Des fois c’est chiant mais bon, pas le choix hein ? C’est la rançon de la gloire.
La vraie nouveauté, c’est ta présence à la télé.
J’en ai fait, ouais. Je vais en faire un peu moins là, ça m’a un peu saoulé… La Star Academy, j’ai bien aimé parce que c’est vraiment une émission musicale : j’suis pas là en tant qu’animal de foire. Dans la plupart des émissions, ce qui me fatigue un peu, c’est de voir qu’ils n'y connaissent vraiment rien. Ils t’invitent, ça les fait un peu fantasmer « ouais, on a le rappeur, le "bad boy", on va l’accueillir sur notre plateau ! ». En vérité, tu t’rends compte qu’ils ont rien. Pas de matière. On te fait faire le mariole… On essaie de te faire faire des trucs soit disant "marrants" selon eux : des petits jeux, des petites boutades… On me parle que de bling bling, de "j’aime les armes", de "j’ai des belles voitures", finalement on en oublie presque que j’écris des textes, on parle pas de ma musique. De toute façon, ils ne la connaissent pas… Je crois que je vais arrêter d’en faire. T’as vu, j’ai essayé : c’est un truc que je connaissais pas. Je vais essayer de faire des émissions – y’en a pas beaucoup malheureusement - qui parle plus de musique, avec des gens calés, ou tout du moins qui connaissent un minimum ce que je fais.
Une de tes bonnes télés, c’était Auto Moto.
Ça, c’est différent. C’est un autre délire. Là, c’était bien (rires). J’y étais pas pour je sais pas quoi… Là, je parlais d’un domaine que je connaissais.
Les voitures du reportage ? C’est les tiennes ?
Ouais, ouais.
Ça change de la R 19. C’est bien ta première caisse ?
Ouais, c’est dans le texte de Je me souviens : « Mon premier bolide : R19, 16 soupapes »… Avec des jantes 19 pouces.
Niveau conduite, passer d’une R19 à la Lamborghini, c’est dur ?
Non. Ce qui est dur, c’est de passer de la Lamborghini à la R19 (rires)… Non, mais pas de souci, j’suis un pilote. Même avec la vitesse, ça va, je m’y prends bien. Ma première grosse voiture, c’était une Mercedes CLK 320. C'était à l’époque de Temps Mort... Après Auto Moto, j’ ai rencontré plein de gens qui m’ont parlé de mes voitures, vite fait.

T’as pas mal voyagé pour les tournages de tes clips : Au bout de mes rêves au Brésil, la Russie pour Pitbull ... Qu’est ce qui t’a le plus marqué ?
C’est totalement différent. Tu ne peux pas choisir. Je kiffe aller en Russie, je kiffe aller au Brésil. Pour Au bout de mes rêves, c’était le cliché des meufs, du soleil… On a pensé à un pays chaud. On avait un chef opérateur brésilien, on voulait voyager… Et de toute façon, j’avais envie d’y aller. On s’est dit qu’il y aurait des belles meufs, une belle lumière… et y’avait des belles meufs. C’est pas une légende… En Russie aussi d’ailleurs.
Quand j’ai écouté l’instrumental de Pitbull, j’sais pas pourquoi, mais ça m’a fait pensé à la Russie : le côté froid, triste, inconnu… Même si je ne trouve pas la Russie si triste que ça... J’sais qu’ils ont tué un mec à Saint Pétersbourg, mais au final, c’est pas plus raciste qu’ailleurs… Ici combien de bavures ? Combien d’arabes et de noirs assassinés ? Des arabes dans la Seine … Je ne pense pas qu’il y ait plus de racisme qu’en Italie par exemple. C’est un pays méconnu, donc quand t’entends ce genre d’infos, tu généralises direct. C’est un pays où y a peu de noirs, forcément les gens ont peur de l’inconnu ; y’a sûrement des milices, des skins… C’est comme partout, faut faire attention. En plus là-bas, ils sont chauds, c’est les pays de l’Est : des barbares ! Mais ils sont cools… Moi j’les aime bien ces gens-là. En plus j’aime les grandes villes. Je suis un rat des villes. J’avais envie d’aller à Moscou, depuis le clip de Numéro 10. J’avais envie d’un clip sur la Place Rouge. J’y suis allé deux fois : 5, 6 jours pour tourner le clip… Et puis j’y ai fait un showcase pour le jour de l’an.
Il ressemble à quoi ton public russe ?
C’étaient des jeunes, c’était en boîte. Ils aiment bien le Rap français, même s’ils ne calculent pas forcément, ils aiment bien. Comme nous en France, on aime le Rap américain.
C’est une chance de voyager autant.
Ouais, on en profite. En même temps, Paris, t’as vite fait le tour… Le clip dans ta cité, dans ton quartier : c’est bien, y’a du monde mais bon… Qu’est ce que tu veux faire à Paris ? C’est pas évident, tourner dans la ville, en extérieur et tout… Visuellement, ça ne m’inspire pas, ça ne me parle pas.
Comment t’as rencardé Seu Jorge, l’acteur de la Cité de Dieu (le petit Zé), sur ton clip ?
Par casting, tout simplement. L’équipe de prod’ l’avait dans le casting. On lui a proposé, il a kiffé. Après il nous a invité à la Cité de Dieu, dans une soirée Baile Funk : ça déchire, j’ai ramené un CD… et puis, surtout, on était à la Cité de Dieu : dedans, c'était comme dans le film. Là-bas, on était comme des enfants, même les reporters n’y mettent pas les pieds… Le taxi voulait même pas nous emmener, il était en panique.
Souvent on présente le Brésil comme une copie carbone des USA : le grand métissage au lieu du "tout communautaire". T’en as pensé quoi ?
Y’a des blancs, des métisses blonds, des noirs, y’en a on dirait des reubeus. Moi j’y vais, j’suis brésilien, Mala, il y va, il est brésilien, Brams pareil. Il y a des angolais, des portugais, des italiens : plein de métissage. Tu ne ressens pas le racisme, c’est mélangé… Ce sont des gens humbles… Après, quand t’es de la favela, en général tu y meurs.
Il y a des clips qui t’ont particulièrement marqué ?
Y’en a tellement… Dans les récents, j’avais bien aimé celui de Rick Ross Hustlin, 99 problems de Jay-Z… Dans les plus anciens le clip Phone Tape de The Firm…

Celui où AZ repasse les billets.
Il est mortel celui-là… In da Club ! Avec le concept de Dr Dre et Eminem en laboratoire, en train de créer LE rappeur. Quand Fifty rappe en passant au détecteur de mensonge : ça tue ! Moi, j’ai toujours le même réalisateur : mon pote Armen. On discute, on échange nos idées… On a la même culture Rap. On s’comprend direct.
Ca fait combien de temps que t’es bilingue ?
Depuis que j’ai 14-15 ans. J’écoutais du Rap avant, genre Public Enemy, les Ice T, les KRS One : j’écoutais… et puis je comprenais pas. Je comprenais vite fait, mais je kiffais. Le Rap ça dégage une énergie, tu captes les personnages, l’attitude, tu ressens le truc quand même. Après quand tu captes, ça développe une autre oreille : les flows, la manière d’écrire… J’étais pendant un an au Lycée aux USA. A l’école, j’étais pas très bon, je travaillais pas trop…
En France ou là-bas ?
Les deux (rires). Mais en France j’étais doué pour l’anglais, j’avais des facilités, je ramenais des 18, 19…
T’étais juste plus motivé.
Bah ouais je kiffais. C’est toute une culture : j’écoutais Michael Jackson… Quand j’étais petit, j’aimais bien lire le livret de l’album, prendre un dictionnaire et essayer de comprendre ce qu’il racontait.
Au Lycée, t’étais à Detroit, c’est ça ?
Oui. Mon premier voyage à Detroit, j’avais 14 ans. J’ai fait un Exchange student comme ils disent : tu reçois un américain dans ta famille et inversement.
Il était cool ton correspondant ?
Ouais, ouais. J'étais chez une famille noire américaine. La première fois, c’était en été, j’avais 14 ans, j’ai fait un mois chez lui et lui, un mois chez moi. L’année d’après j’y suis retourné : Je venais de passer un an dans le Sud de la France, c’était pas bien là-bas. Moi je viens de Paris, ma mère avait déménagé là-bas. Je m’y retrouvais pas trop, y’avait plein de racistes ; pas de black, pas de bus… ou alors un toutes les 10 piges. T'es obligé d’avoir un scooter pour aller à l’école, sinon tu galères. C’était la campagne… Donc à 15 ans, comme j’étais bien dans la famille à Detroit (Gros bruit de perceuse dans le hall de l’hôtel) Whoa ! Mauvais délire...
Nan, c’est cool, ils finissent ta chambre.
... Finalement j’ai eu un visa étudiant et je suis resté un an, ensuite je suis revenu en France. Je voulais rester là-bas en fait. Je voulais entrer à l’université mais c’est hors de prix. En plus quand t’es étranger, y’a une taxe : j’avais vraiment pas les moyens. Je suis revenu en France.
J’ai souvent entendu dire que Detroit était une des villes les plus moches de la côte Est.
Moi j’ai kiffé. Il y avait toute cette culture black américaine. Il n’y avait pas de racisme, c’était comme si j’étais en Afrique : on ne me regardait pas de travers, je m’habillais comme je voulais. J’étais dans mon délire, dans mon élément, comme un poisson dans l’eau. Detroit c’est 80 % de blacks… C’est pas que je ne veuille pas vivre avec des blancs, tu vois ce que j’veux dire ?
Je crois, vas-y développe...
Pour moi qui kiffait le Rap en plus... Quand t’es fan de Malcolm X, de gens comme Martin Luther King, t’es concerné par l’Histoire des noirs et du racisme… J’ai beaucoup appris là-bas. Le jour où le film Malcolm X de Spike Lee est sorti en salle, j’étais là-bas, à l’école - 3000 élèves, pratiquement que des noirs. On est tous allé voir le film, c’était fort. En cours, j’avais choisi l’Histoire de l’esclavage : "Black History" comme ils disent : j’ai kiffé... Parce qu’en plus je suis métis : le racisme je connais, j’ai subi. Petit, j’ai été dans des ambiances où j’entendais les gens parler sans qu’ils fassent attention à moi… J’ai tout entendu, et même plus qu’un mec noir à 100 %. Quand t’es métisse, t’es bien nulle part (rires), tu vois ? Tu n’es pas blanc, pas vraiment noir… J’ai kiffé les USA pour tout ça… y’avait tout : la violence, ce que tu vois à la télé, les sirènes des keufs, les fusillades, le Rap… Detroit c’est la zone en fait...
T’écoutais quoi comme sons à cette époque ?
Chronic de Dr Dre, Down With the King de Run DMC avec Pete Rock & CL Smooth, Tupac… son album avec la pochette verte et rouge (2Pacalyspe Now). Y’avait aussi DJ Quik, MC Breed, Spice One. C’est pas forcément très connu.

Cette culture américaine, c’est aussi ta différence par rapport aux rappeurs français qui désormais ont des références en français.
Mon père c'est pareil. Il a tous les disques de James Brown, Miles Davis, Diana Ross… Tout ce que tu veux…
Et la variété française ?
Aussi. J’ai écouté aussi Voyage Voyage, Comme un ouragan. Tu kiffes quand t’es petit ! Tu le subis, mais… quand tu pars en colo, t’es dans le bus, y’a Comme un ouragan : t'es obligé de chanter quoi ! Je kiffais aussi les Jackson 5. Tu sais la musique, y’a pas de nationalité… J’m’en fous ! Il y a des choses bien dans la chanson française, regarde Renaud : j’aimais bien, j'ai samplé Mistral gagnant.
Déjà sur le Bitume avec une plume.
Là, c’était une reprise, parce qu’on avait pas les droits.
Il y a des rappeurs qui t’ont vraiment marqué durablement ?
Il y en a des millions : Public Enemy, Ice T, Pete Rock, Jay-Z, Notorious Big, Smif & Wessun, Heltah Skeltah, Blackmoon, le Wu-Tang, Ice Cube... Nas ! Il a traumatisé tout le monde, Illmatic c’est grave ! J’ai vraiment eu une période Queensbridge, maintenant ça le fait moins…
Il reste Alchemist.
Ouais j’aime bien Alchemist. Mais Mobb Deep, j’ai pas kiffé l’album avec le G-Unit, j’suis passé à côté. En ce moment je kiffe le Dirty South. C’est des mecs qui apportent un nouveau truc, les Rick Ross, les TI, les Lil Wayne, Boyz N tha Hood, Project Pat, 3 6 Mafia, Ludacris : tout ça je kiffe, c’est du bon son. A New-York, ce que je kiffe - et depuis longtemps -, c’est le Dipset : grave ! Cam’ron, Jim Jones, Juelz, JR Writer...

Tu kiffes Harlem ?
Ouais ! C’est la capitale des sénégalais. Y’a Little Sénégal à Harlem.
Y’a eu un film de Rachid Bouchareb sur ce quartier. Il y a beaucoup d’africains francophones… Et les featurings ricains que t’as fait ?
Rick Ross, c’est par la maison de disques, il voulait un rappeur français pour faire une version "Europe", je kiffais le morceau, on m’a proposé, j’ai dit « oui », direct. Pour Puff Daddy, c’est le staff Bad Boy qui m’a demandé de faire le remix. Ils m’ont invité à Saint Tropez, je suis allé là-bas, tac, on a fait connaissance...
Vous avez gardé contact ?
Ouais. Quand il vient en France, je vais le voir en général.
Il connaît tes sons alors ?
Ouais, il connaît un peu. Rick Ross par contre j’ai pas eu de retour, je l’ai vraiment fait en mode business.
Souvent les fans de Rap français parle de l’époque Timebomb comme d’un âge d’or. Moi j’ai l’impression que vous étiez la dernière génération de rappeurs français à ne pas écouter de Rap français.
(Rires) Ouais : nous, on n’était pas "rap français" ! Quoi qu’à cette époque tu pouvais écouter du Rap français : je kiffais Le combat continue d’Idéal J, Quelques gouttes suffisent d’Arsenik, quelques trucs comme ça… Aujourd’hui, pfff… j’ai dû mal.
Rétrospectivement, tu t’aperçois que les premiers -comme NTM, Assassin ou IAM-, n'écoutaient pas de rap français, y’en avait pas. Ils ont fait avancer le mouvement. Après vous êtes arrivés…
Et on n’écoutait pas de rap français, c’est sûr.
Et toi, à titre perso, tu sens plus héritier de l’école Timebomb, avec les X-Men, Oxmo et les autres ? Ou de la scène de Boulogne ?
Plutôt l’école de Boulogne, Beat2Boul... Timebomb aussi, mais Beat2Boul c’est les débuts: les bases, j’improvisais, j'écrivais mes premiers textes… C’est là qu’on a fait Le Crime paie. Avant Timebomb, on avait déjà fait deux versions du Crime paie avec Zoxea. Y’a trois versions en tout : notamment une où Zox faisait le refrain. A l’époque Beat2Boul, tout le monde rappait, tout le monde improvisait : ça kickait dans tous les sens. Zox’ était super fort, Dany Dan aussi : tout le monde était au top. C’était comme une équipe de boxe.


C’est vrai que les Sages Poètes de la Rue étaient une locomotive à l’époque. Par rapport aux anciens, ça faisait décalage.

Eux aussi, ils étaient à fond dans le Rap américain, surtout le Wu-Tang...
Pourquoi ne rien avoir sorti avec Lunatic à l’époque ?
On n’était pas trop "business", on ne connaissait pas trop, tu vois ? On devait sortir un album avec les Sages poètes, mais il n'est pas sorti parce qu’on n’était pas satisfait du taff’. Ils ne voulaient pas qu’on le recommence, pour des questions de budgets où j’sais pas quoi… Donc on s’est dit « laisse tomber, nous on s’barre, on sort pas l’album ». Après la sortie de leur premier album, ce n’était pas encore trop trop "business". Je ne me rendais pas compte s’ils gagnaient de l’argent ou pas, s’ils étaient signés en major, ou en licence, ou en indépendant : on s’en battait les couilles.
Entre cet album qui tombe à l’eau et Mauvais Œil, il se passe combien de temps ?
Trois ans : y’a eu Timebomb, après j’suis allé en prison pendant un an, après j’suis ressorti, et on a monté 45 Scientific. Il a dû se passer trois, quatre ans.
Durant cette période, t’as pas pensé abandonner ? Faire autre chose ?
Je faisais déjà autre chose. Je ne rêvais pas de devenir rappeur. Je faisais ça parce que je kiffais. La preuve sinon on serait jamais parti avec un album finalisé, pratiquement jusqu'à la pochette : ça prouve qu’on était pas des crèves la dalle. C’était pas une fin en soi.
J’imagine qu’en montant 45 Scientific, c’était un tout autre investissement, non ?
Même là, on n’était pas trop prétentieux. On se disait « si on vend 50 000 de Mauvais Œil, c’est d’la balle ». On a vendu plus du double, plus de 100 000 copies, c’était mortel et après c’était parti quoi !
Avec le recul, t’es plus fier d’avoir fait disque d’Or en Indé ou disque de Platine en major ?
Je suis fier de tous mes disques.
Disque d’or sur un label indépendant, sans radio, sans rien… Ça ne s’est plus revu par la suite.
Avec Temps mort, j’ai fait pareil : plus de 100 000. Tu sais, moi je kiffais… Je suis parti du 45 parce que ça commençait à être prise de tête, et moi je suis toujours parti du principe que la musique c’est une passion, un kiff.


À quel moment de ta carrière t’as senti que ça prenait ?

Depuis le Crime paie. Quand on a vu l’accueil, on était les premiers surpris.
Tu peux nous parler de ton label, Tallac ?
Mala prépare son album. Il y a aussi une chanteuse dont je m’occupe, Naadie, qui vient du Canada. Elle a un morceau sur ma mixtape. Ça ne m’intéresse pas de faire plein de signatures. Déjà, y’a pas plein de mecs que j'ai envie de signer. Et puis ça sert a rien de les signer pour les emprisonner, sans avoir le temps de vraiment les développer. Je ne veux pas promettre… et puis les faire galérer.
Et Tony Parker ?
Ça fait à peu près deux ans que je le connais.
J’ai lu dans l’Equipe que t’étais allé au All Star Game.
À Houston, l’année dernière, ouais. J’étais dans l’hôtel des joueurs, j’suis allé dans les soirées des joueurs, des rappeurs... Moi je kiffe Michael Jordan, je l’ai vu à Paris, à un dîner organisé par Nike. Je crois que c’est la seule personne - chanteurs, sportifs confondus - dont je sois fan. Si on m’avait demandé d’être une célébrité, ce serait Michael Jordan. Au All Star Game, y’avait tout le monde : Fat Joe, Lil Bow Wow, Chamillionaire, TI, Ludacris… en fait, je vois tout le monde depuis longtemps. Je vais à New-York depuis que j’ai 16 ans. J’ai même tourné dans un clip de Mobb Deep en 95, on s’est incrusté sur le tournage. Mais en fait, je n’apparais pas dans le clip, en tout cas je ne me suis jamais vu... C’est dans Give up the Goods avec Big Noyd : « Yo ! It’s the R.A double P / E.R, N.O.Y.D””. J’ai refusé le rôle qu'on me proposait. A la base, j'étais supposé me faire mettre à l’amende : j’étais avec des meufs et puis j'étais sensé me faire arracher mon blouson et tout…. « non merci ». C’est mon pote qui l’a fait. Ça fait chier de se faire mettre à l’amende, que ce soit en vrai ou dans un clip. C’était dans une boite à Manhattan, vers Times Square. Y’avait Mic Geronimo, Nas… Je les ai tous vus.
TP a traduit ton texte à Tim Duncan ?
Ouais. Mais ce morceau n'existe plus, ils n’ont pas eu le droit de le sortir vu que Kore et Skalp se sont embrouillés. Donc on a refait un son.
Son niveau n’est pas folichon.
C’est un basketteur, ce n’est pas un rappeur. Après il se fait plaisir, c’est clair que c’est pas évident quoi. Après, il fait son truc…
T’as déjà kiffé un basketteur-rappeur ?
Shaquille O’Neal avait deux ou trois bons morceaux avec les Fu-Schnikens, sinon….
Que d’la merde.
Ouais.

Dans un papier des Inrocks, c’était écrit que ton modèle dans le Rap Game, c’était Jay-Z.
D’un point de vue Business, ouais. Son label, sa marque de fringues… Moi pareil (rires) : mon label, ma marque de sape... j’ai ouvert un biz de bijoux, on fabrique des bijoux personnalisés avec Tony Blingz. Sinon j’écris un film…
Et des sonneries de portable ? T’en fais ?
Ouais, j’en ai déjà fait. Je crois que c’est jamais sorti, genre « Salut, c’est Booba »… Tu prends un cachet quoi, c’est vite fait.
Biggie disait « plus t’as de thunes, plus t’as d’embrouilles » : maintenant que t’es de l’autre côté, tu le vérifies ?
Je me fais plus contrôler par les keufs…. Vu que c’est le revers de la médaille, faut assumer. T’as plus d’argent, plus de problèmes, tout est a l’extrême. Quand c’est bon, c’est meilleur et quand c’est mauvais, c’est pire.
Maintenant quand t’as des embrouilles c’est dans le Parisien.
Bah ouais, voilà : tout le monde en parle, tout le monde juge, tout le monde donne son avis. Mais je ne me plains pas. C’est comme ça, tu fais avec. Y’en a qui pète les plombs. Des fois c’est dur : y’a la pression, faut affronter les gens qui t’arrêtent, des gens « proches » qui disent que tu te la racontes, des gens du quartier que tu calculais pas avant, et aujourd’hui non plus, tu les calcules pas forcément. Mais comme t’es connu, maintenant « tu t’la pètes ». Ca parle, ça parle... Des fois tes oreilles sifflent ! Je peux te dire que des fois y’a de la pression. Y’en a qui ne sont pas fort psychologiquement, qui doivent craquer... Du jour au lendemain tu peux connaître un échec… Moi je suis solide : j'les emmerde. Si demain ça s’arrête, c’est pas un drame, c’est pas mon but dans la vie : là ça marche, j’en profite et j’kiffe.
Les élections présidentielles ?
J’suis plus Ségo que Sarko, mais je vote pas (ndlr : il est privé de ses droits civiques à cause de son casier).
Pourquoi pas Sarko ? C’est un cainri lui aussi (rires). Il a même fait du jogging à Central Park…
Ouais… Bush aussi, c’est un cainri.
Dieudonné en visite au FN, t'en as pensé quoi ?
Je pense que c’est une manipulation des médias.
Attends, personne l’a forcé : il y est allé tout seul.
Oui, mais il était dans tous les meetings politiques. On nous a montré que celui-là ! Il a écouté ce que chaque politique avait à dire. Il est allé aussi bien chez Ségolène que chez Le Pen. Après, j’en ai rien à foutre moi, il fait ce qu’il veut… J’le connais, j’sais que, pour moi, c’est pas un raciste, c’est pas un facho, il n’est pas antisémite. C’est un mec intelligent… qui s’est peut-être fait piéger par les médias, à mon avis. Il a voulu entrer dans leur jeu : il s’est fait piéger.
Et toi ? Comment tu t’en sors avec ses médias ?
Ma première télé c’était Ardisson...
T’as trouvé comment ?
Nul. Il me connaissait même pas. Apparemment, on lui avait mal fait son dossier… Il m’a parlé de prison... ok, j’suis allé en prison, mais il ne m’a pas parlé de mon label, du fait que j’ai fait disque d’or en indépendant… Après il m’a parlé de communautarisme, par rapport à mon expérience aux Etats-Unis. Moi, j’ai trouvé que c’était bien : t’es plus fort en communauté, l’Etat est obligé de te prendre en compte, l’union fait la force, y’a que comme ça qu’on te respecte. Eux, Ils ont fait direct « t’es sectaire » ! Alors que moi je parlais juste du côté social : y’a des leaders : lorsqu’il y a un black qui prend la parole, l’Etat sait que derrière y’a des millions de renois. Ils peuvent pas nous prendre pour des cons et ils sont obligés d’écouter un minimum nos revendications. C’est juste ce que je voulais dire. Je viens faire ma promo : parle de mes disques, de ma musique, de mes textes…


Je t’ai vu chez Cauet, alors qu'il n'y a pas moyen de dire quelque chose d’intéressant dans ce type de programme.
Ouais, c’est bon, ça va 5 minutes. Je l’ai fait deux fois. La dernière fois, je n’ai pas été très bon… En même temps je pouvais pas être bon : ça m’a saoulé. La première fois, c’était marrant, la deuxième tu dis qu'il va peut être changer, faire un autre truc : j’ai eu le même questionnaire, il me sort « ouais si Francis Cabrel te dis que dans 2 ans t’es fini. Qu’est ce que tu lui réponds ? », Pfff… Je préfère faire une interview avec toi, t’as vu, j’ai pas de mal à parler, tu sais ce que tu dis, je sais de quoi j’parle… (Il imite Cauet) « Francis Cabrel, machin », moi je suis censé insulter Cabrel selon lui... Ça m’a saoulé !
T’as eu droit à des bons sketches ?
Ouais, ils ont fait du "Hip Hopéra" avec des voix de castrats, (il imite) « Ouais, je danse le mia »… Bon à la fin ils m’ont ramené Chantal Goya, c’était marrant : ils m’ont mis un mec en casquette « ouais B2O, j’te kiffe trop, ma meuf te kiffe trop, elle veut ton 06 » et après il m’amène la vraie Chantal Goya ! Là, j’ai gole-ri. C’était marrant. Point final.
Tu t’rends compte que tu fais le guignol. Y’a pas d’émissions qui nous ressemblent. Moi j’ai essayé, mais en vérité t’es inondé par leur délire. Il y avait José Garcia le même soir : lui il s’en sort super bien, forcément. Il parle de son film et tout… Moi, c’est « t’aimes les armes ? », « Ah ouais ta montre, elle est belle ! », « alors, t’es dur avec les meufs ? »… Ils ne connaissent même pas ma musique ! Je préfère faire la Star Ac’ : tu y vas, tu chantes ton morceau. Hop. « Merci Nikos », « Ca nous a fait plaisir », et au revoir. Au moins, je suis moi-même, je suis Booba, je performe, je fais mes trucs.
Nikos, il est à la cool ?
Ouais super cool. Quand tu compares par rapport à Laurent Ruquier ! Pfff… « Alors vous, vous aimez le bling bling ou le kling kling ? » ou “ y’a eu un barrage de flics, quelqu’un l'a forcé , résultat un flic est mort : vous êtes content ? »… Tu vois le niveau, laisse tomber...
T’as eu Steevy ?
Non, pas cette émission. C’est vraiment un autre monde ! « Alors vous faites du Gangsta Rap, c’est des bandes rivales qui se tirent dessus » (Rires), Les mecs sont à l’Ouest ! Après Cauet, je me suis dit « ok, même si on me voit moins… » Parce que c’est important aussi de se montrer, la visibilité : moi j’ai une marque de vêtement et tout… Mais c’est trop dur ! Si c’est pour y aller et faire le "Joey Starr" et les insulter… Ca ne m’intéresse pas de faire une émission pour faire ça. Moi, j’aime pas aller dans une émission pour chercher l’affrontement, style ça va être la guerre. A ce compte là, j’reste chez moi.
Ca faisait comme un changement d’époque que Joey Starr passe après toi à la Star Ac. Il n’était pas à sa place : NTM, c’était des textes revendicatifs, un rap politique avec un contexte "social"…
Moi aussi c'est "social". "Réussir" pour moi, c’est avoir de l’argent. Je n’ai pas de problèmes avec ça. Pour moi, y’a pas de mal à faire la Star Ac’. Encore, s’il y avait d’autres émissions, mais là, y’a que celle-là. Si tu veux te montrer un peu, faire de la promo, t’as pas le choix. L’important c’est pas de le faire, mais de bien le faire. J’aurais pu m’afficher : chanter avec le baltringue qui a gagné ou qu’il fasse rapper un élève et qu’il soit tout pourri. Moi j’ai dit :
"Non. Personne ne rappe, déjà. Il y a une fille qui chante et je veux soit Cynthia, soit Dominique". C’était important de bien le faire.

Dans ces émissions quand tu croises les autres peoples en loge, il te regarde comment ?
Ça va. L’autre fois, j’étais chez Ruquier avec Francis Perrin : il kiffait, il connaissait, ses filles écoutaient, les mecs de ses filles. Il connaissait vraiment…
Et toi, tu le connaissais vraiment ? (Rires)
Bah ouais, j’ai grandi avec Francis Perrin ! C’est marrant... Putain, c’est comme si tu voyais Pierre Richard ! Il sait de quoi ça parle, il m’a cité Pitbull et tout...
C’est comme la fois où un auteur de la Nouvelle Revue Française t’avait consacré un article.
Ouais, Thomas Ravier. C’était chan-mé. Faut le lire. C’était intéressant : moi j’étais choqué. Le mec n’a rien à voir avec la banlieue, avec notre mode de vie. Je l’ai seulement eu au téléphone, le mec comprenait ¾ de mes paroles…. Des fois, il se trompe, parce qu’à une virgule près, ça change tout le sens de la phrase. Il comprenait alors que ce n’est pas un mec qui a vécu ce que j’ai vécu. Ça m’a flatté, quoi. Je me suis dit que ça devait être bien écrit, si n’importe qui, qui a un cerveau, arrive à comprendre ce que je veux dire, ce que je ressens…
La qualité parle toujours.
Ouais, mais ici c’est dur. Y’a pas de culture Rap ici. (Il refait Ruquier) « Alors t’as du bling bling ou du kling kling ? » C’est chaud. Aux Etats-Unis, tout le monde connaît.
Aux States, j’ai vu 50 Cent au David Letterman Show, le présentateur lui a fait exactement le même questionnaire que Cauet, pareil : « C'est vrai que lorsque t’es énervé, vraiment à bout, tu dis des gros mots ? » Ça va, c’était marrant. La différence, c’est que, là-bas, à la fin, 50 Cent a fait Window Shopper avec l’orchestre de l’émission. Pour revenir au bouquin de Ravier. Les auteurs qu’ils citaient, tu les connaissais ?
Céline et machin ? Non.
Ça t’a donné envie de les lire ?
Euh…. Ouais, mais j’aime pas lire. Je sais que c’est mortel, que c’est intéressant mais je n’arrive pas à me mettre dedans. Il citait Céline, Jean Genet… Je ne sais pas du tout ce qu’ils font. Y’en a un, j’ai entendu que c’était un pédé antisémite donc…
Genet était pédé et pro-palestinien. Céline, antisémite. En ce moment tu bosses sur quoi ?
Un film.
Qu'on va voir en salle ?
C'est parti pour. En tout cas, ce ne sera pas un documentaire et ça ne sera pas sur Arte. C'est encore trop tôt pour tout dévoiler. Ca s'est présenté en rencontrant des gens, et puis j'ai toujours kiffé le cinéma... Tout ce qui a trait au Hip Hop : mode, cinéma... tout ce qui est artistique m'intéresse. A force de rencontrer des gens, de faire des clips... Rien qu'en voyant qu'il ne se passe rien en cinéma ! Depuis La Haine y'a pas eu un film valable pour les jeunes... Y’a rien. On va l'faire.
C'est quoi tes goûts au ciné ?
J'aime bien Michael Mann. Surtout Heat. Miami Vice, j'aime pas. C'est beau, c'est le niveau Michael Mann, mais l'histoire est molle : l'autre avec une moustache de mexicain, Jamie Foxx qui sert à rien... ils vont boire des mojitos... On s'en bat les couilles ! Collateral, c'était pas mal... J'aime bien Mel Gibson aussi en réalisateur, T'as vu son dernier ? Apocalypto ? c'est un vrai film. La passion du Christ, j'y ait pas trouvé trop d'intérêt. T'apprends rien. Apocalypto ça parle d'un peuple, de leur Histoire : comment ils s'habillaient, les scarifications, leurs coutumes, leur état d'esprit, l'esclavage... Jésus, déjà, tu connais l'histoire, t'apprends rien de nouveau par rapport à la bible, genre pas un petit potin (rires), tu vois juste sa souffrance... Laisse tomber, au bout d'un moment j'avais envie d'me barrer ! (je me marre) Qu’est qui y’a ?
J’ai trouvé l'accroche pour l'interview : "Booba : "j'aime pas trop la violence au cinéma".".
C'est même pas ça; Tu connais déjà la fin, tu te dis "ok, j'vais peut-être me casser". Un film sur la religion qui était bien, c'était Kingdom Of Heaven de Ridley Scott. C’était sur les croisades, et pas trop favorable aux chrétiens. Pour une fois ce n’était pas cliché.

jeudi 17 janvier 2008

Alkaholiks

Au moins 10 raisons d’être down avec ce reportage
1 Parce que les Lixs sont bien + que les " black Beastie Boys "

2 Parce que Tash est bien + que le " Redman de la Côte Ouest "

3 Parce qu’Egotrip les a classé dans les 3 groupes les + sous-estimés de l’Histoire du Rap

4
Parce que personne ne peut teste les Lixs sur scène

5 Parce que le premier beat de Madlib est sur 21 & Over 

6 Parce que le premier rap de Xzibit est sur Coast II Coast 

7 Parce que King Tee, leur parrain du Likwit Crew, est LE fantôme de la côte Ouest

8 Parce que  Firewater  sera le dernier album de Tash, J-Ro et E-Swift en tant qu’Alkaholiks

9 Putain je sèche… (comme ta meuf)



GASFACE : Il paraît que t’apprends à J-Ro les secrets de la production en ce moment…
E-Swift : Ouais, ce n’est pas que je lui donne des leçons ou ce genre de trucs… En fait, on passe de plus en plus de temps ensemble en studio. Il observe, il essaie de son côté. J-Ro a déjà une oreille musicale à la base donc c’est pas trop difficile. Mais là, ça devient de plus en plus technique : en ce moment je lui fais essayer différents séquenceurs et diverses boîtes à rythme pour qu’il sache avec laquelle il est le plus à l’aise.
Et Tash ne suit pas tes "cours " ?
Tash n’a pas assez de patience. Ca l’emmerde sévère. Des fois on lui propose… mais il n’a jamais envie.
Tash : De toute façon la musique, je l’ai dans le sang, donc j’y viendrais tôt ou tard. Après le rap, sûrement. Je ne peux pas faire deux choses en même temps... Je vais rapper jusqu’à ce que ça me saoûle, et après je ne ferais plus que des beats, jusqu’à ma mort... Mais pour l’instant j’aime trop le rap.
Toi Swift, tu viens de Toledo…
Dans l’Ohio, ouais... Je ne suis pas né là-bas mais j’y ai passé toute mon adolescence.
Tash : Moi aussi je suis né dans l’Ohio, à Columbus, mais j’ai grandi en Caroline du Sud. Je suis arrivé à Los Angeles quand j’avais 7 ou 8 ans.

MaryJane / Make Room



Il paraît que Swift jouait de la batterie à l’époque. En parallèle avec la prod' Rap?
Non, j’avais déjà des beats dans ma tête, mais je n’avais pas l’équipement pour les concrétiser. Par contre j’étais déjà deejay à l’époque, et je jouais aussi de la batterie, ouais. Toledo était plutôt influencé Eastcoast, en fait... La ville avait déjà son propre son -qui n’avait rien à voir le son Midwest actuel-, mais on sentait beaucoup l’influence de New York.
Qu’est-ce qui t’as fait bouger à LA ?
Je suis venu en 1988 pour faire ma dernière année de lycée. Je faisais beaucoup de soirées en tant que deejay à l’époque, et je voyais pas mal de bons rappeurs. C’est eux qui m’ont donné envie de vraiment faire des beats. Assez vite, j’ai réussi à mettre la main sur un sampleur et je me suis lancé.
King Tee a été un peu le parrain des Alkaholiks...
Je l’ai rencontré pour la première fois par le biais de J-Ro. A l’époque DJ Alladin était le deejay de King Tee, ils s’apprêtaient à partir en tournée quand Alladin a eu un accident de voiture. Je l’ai remplacé au dernier moment et depuis ce jour je n’ai jamais cessé de bosser ensemble.
Il en est où King Tee en ce moment ?
Il va sortir un album solo -sur lequel on bosse ensemble-, et après on va tous se réunir pour faire un album du Likwit Crew. On n’arrête pas en ce moment.
Tu te définis souvent comme n’étant ni deejay, ni producteur, ni turntablist, mais " Scratchaholik "...
J’aime bien faire ce type de musique : prendre un son, le tordre, perturber une mélodie existante pour en obtenir une nouvelle. J’essaie d’être un artiste polyvalent. Beaucoup de gars ne font que scratcher et c’est tout : moi j’intègre ça à mes productions. C’est un atout dont je suis fier.
Ta rencontre avec J-Ro et Tash ?
On s’est capté par des amis qu’on avait en commun. A l’époque, beaucoup de rappeurs venaient chez moi vu que je mixais et que je faisais des beats. J-Ro et Tash sont ceux qui m’ont le plus emballé en terme de flow, de styles : ils écrasaient carrément la concurrence. On essayait tous plus ou moins de faire tourner nos démos pour choper un contrat, et au bout d’un moment je leur ai proposé qu’on fasse des disques ensemble, tous les trois.
Make Room  était le premier disque des Alkaholiks ?
Notre tout premier disque, c’était avec King Tee : « I Got It Bad », il y avait même eu un clip réalisé par F. Gary Gray -il n’était pas connu à l’époque-... Vous ne connaissez pas ? C’est le mec qui a réalisé Friday, Le Négociateur  et Braquage à l’Italienne ...

Avec King Tee I Got It Bad / Tash sur Body Rock avec Q-Tip & Mos Def


21 and Over , votre premier album, aurait été enregistré en deux semaines, c’est ça ?
Ouais. On avait vraiment la dalle et on adorait être en studio... et puis on avait rien d’autre à foutre (rires), alors bon, c’est pas vraiment un exploit...
Comment vous avez trouvé les thunes pour payer le studio ?
On était déjà en contrat avec Loud, ils nous ont prêté l’argent. Pareil pour notre premier maxi : c’est King Tee qui a avancé l’argent. Dans les deux cas ils ont récupéré leurs thunes très vite. C’est aussi grâce à ça que le groupe a duré tant d’années : on a toujours été réglo et les gens savent qu’ils peuvent miser sur nous.
Inspectah Deck a déclaré que Loud -votre ancien label et le sien- était un peu comme les L.A Clippers : ils ont eu beaucoup de premiers tours de draft (les meilleurs basketteurs universitaires) -Wu-Tang, Mobb Deep, Pete Rock, vous- et ils n’ont jamais su quoi en faire...
A l’époque il m’est certainement arrivé de me plaindre d’eux, mais avec le recul, je pense qu’ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient. Pour les avoir côtoyé régulièrement, je ne pense pas qu’ils aient radiné sur les dépenses promotionnelles. Leur échec est sans doute dû à une mauvaise conjoncture et une succession de petites erreurs –comme de traîner trop entre deux singles-... Cela dit Loud avait une des meilleures street teams du pays. Et ils ont quand même accouché de grands groupes comme le Wu-Tang; ça on ne peut pas leur enlever...
T’as réguièrement bossé avec les brooklynites du Boot Camp Click: OGC, Heltah Skeltah...
C’est nos cousins de la côte Est, c’est les mêmes gars que nous. Ils aiment le même rap que nous. Quand je suis allé voir OGC, j’ai leur ai joué un ou deux beats et ils ont tout de suite accroché, c’était cool... En ce moment ils font des allers-retours à L.A et on se capte assez régulièrement. Je vais faire des beats pour leur prochain album... A la base, j’ai rencontré Buckshot de Blackmoon qui m’a ensuite présenté Dru Ha, puis Dru et moi on a fait connaissance. Dru gère tout le Duckdown avec Buckshot. Avec le temps on est vraiment devenu de bon amis. Je connais moins les autres gars mais ils sont à la cool... It’s all love.
C’est vrai cette histoire, selon laquelle t’aurais dépensé 5000 dollars pour un disque japonais ?
Je ne peux te lâcher le nom, les références, mais je peux dire que j’ai largement rentabilisé le prix de ce disque... (Rêveur) Ouais, j’en ai fait des dollars... En tout cas, ça illustre bien le fait que tu ne sais jamais sur quoi tu vas tomber quand tu cherches des disques. J’ai aussi fait des hits à partir d’albums à 1 dollar ou de disques trouvés dans une poubelle.
Le sample de Aww Shit ?
C’est le Fatback Band. En fait j’ai eu le disque par Steve Rifkind, le boss de Loud : c’est son père qui avait créé Spring Records, le label du Fatback Band.
Qui a dit « Large Pro, Diamond D et moi on a les mêmes disques, mais on s’en sert différemment » ?
C’est moi. On peut ajouter Primo à la liste. A deux reprises on a tous les deux sorti un disque avec le même sample : quand j’ai sorti Coast II Coast  sur la B.O de  Friday , Primo a sorti une instru pour Show & A.G avec le même sample, mais découpé de façon tout à fait différente.

Next Level / Only When I'm Drunk



En parlant de producteur balèze, c’est vous qui avez fait connaître Madlib et ses gars de Lootpack…
Tash : J’ai rencontré Cracker Jack (Wildchild) dans une boom. En 1991, je crois. Les mecs avaient branché un micro, et Jack... Laisse tomber, il dévastait tout le monde ! Il assurait grave, alors je suis allé le voir. Je lui ai parlé du groupe, je lui ai dit que je voulais qu’il pose avec nous sur un morceau. On n’était pas encore célèbres à l’époque, mais on avait un début de réputation à niveau local. Il avait déjà entendu parlé de nous et il m’a parlé de Lootpack, son groupe. Il a appelé ses potes et ils sont tous venus : Otis (Madlib), Kankick et les autres... On kiffait leur musique comme si c’était la nôtre, on a grave accroché ! In 91 it was all bubbles... La suite, vous la connaissez.
E-Swift : Madlib, c’est notre frère. Je suis fier que nous soyons les premiers à lui avoir tendu la perche en l’invitant sur notre premier album. Son frère, Oh No, est très fort lui aussi. Les gars de Lootpack font toujours partie du Likwit Crew, même si on ne se voit plus très souvent. Ils doivent s’occuper de leur carrière et nous de la nôtre, c’est bien normal...
Tu vas t’occuper de la production sur l’album DNA (Dogg Pound-N-Alkaholiks) ?
Ben... Avant il fallait d’abord qu’on sorte notre album, maintenant il y a les solos de Tash et de Kurupt, et après on pourra s’y mettre... Mais c’est un projet auquel on tient. C’est pas des paroles en l’air.
Kurupt défonce. T’as aussi bossé avec Keith Murray…
(Il soupire) Ah, mec... Les mecs de Def Jam l’ont traité avec mépris. Pour moi, Keith fait toujours partie des meilleurs... Quand l’industrie veut te bannir, tu te retrouves seul face à un mur d’hostilité, et c’est très difficile de faire entendre raison aux gens. Mais je suis sûr qu’il va trouver une solution : son talent finira bien par éclipser les embrouilles.

Off The Wall avec Keith Murray


Et Rass Kass ?
(Enthousiaste) Un grand rappeur ! Il revient d’une période difficile... Vous saviez qu’il a commencé comme danseur pour King Tee et moi ? C’était un des meilleurs...
Tu as bossé avec énormément de rappeurs talentueux. Qui t’as le plus impressionné ?
Honnêtement, je dirais J-Ro et Tash, mais ça, c’est évident... Sinon, je dirais X-Zibit : c’est le type le plus passionné et le plus consciencieux que j’ai jamais vu. Personne ne bosse plus dur que lui.
Tu as produit sur son premier album.Vous en êtes où ?
Ouais, c’est moi qui l’ait fait signé chez Loud. On s’est connu par un ami commun nommé Broadway. Il traînait tout le temps avec lui. On les a amené en tournée avec nous. A partir de là on a vraiment fait connaissance… C’est nous qui l’avons présenté au monde sur  Coast To Coast , notre deuxième album. Après il s’est connecté avec Doctor Dre, et là, son rap a pris toute sa dimension. On ne bosse plus ensemble mais on est toujours en bons termes. Chacun bosse sa carrière du mieux qu’il peut, c’est tout. Y’a pas d’embrouille.
Parle-nous un peu de Defari…
Defari a deux Maîtrises, mec ! C’est le plus intelligent que je connaisse : c’est là qu’il puise tous les mots compliqués qu’il kicke. Il n’enseigne plus maintenant qu’il est dans le rap à plein temps, mais avant il bossait dans un lycée, à Inglewood, je crois.
Les gamins savent qu’il rappe ?
Bien sûr ! Une fois, on était à la radio, et des gamins ont appelé :
« Bonjour Monsieur Johnson, ça va ? 
-Ah, c’est toi ! T’as fait tes devoirs ? » (Rires) Et après il freestylait sur les gamins... J’aurais aimé avoir un prof comme ça ! Je l’aurais écouté  (rires)

Vous vous occupez également des gosses en organisant des activités à South Central ?
Ouais. Les medias n’en parlent pas trop, mais on organise des concerts, des grandes parades et des bouffes pour Noël, ce genre de choses... On amène des dindes, des plats et des jouets pour les gosses. L’hiver dernier, on a fait livrer des tonnes de neige à South Central pour les fêtes, et on a ramené des attractions de Disneyland, Mickey Mouse et tout... On essaie de faire le maximum pour la communauté, on veut lui rendre tout ce qu’elle nous a apporté. Quand on peut le faire, on le fait. C’est pas un gimmick ou un truc promotionnel. C’est important que la communauté sache qu’on tient à elle. Il ne faut pas que les gens se sentent complètement abandonnés.

HipHop Drunkies
avec Odb


Extrait de Gasface 01. ITW été 05

lundi 14 janvier 2008

Beatnuts, Keep It Con

J’avais dû louper quelques épisodes du duo de Corona Queens lorsqu’un pote du collège m’a rencardé en me filant une cassette avec "Beatnuts" écrit dessus.
Pour te situer un peu mieux, c’était à l'époque des concours de zizi où on a du mal à shooter à 3 points…
A l’heure du goûter, je m’apprêtais à coller du scotch pour me faire une nouvelle k7 vierge lorsque je fis l’expérience la plus cool depuis le clip de Billie Jean avec Michael Jackson et son Moonwalk...
Junkyard Juju et Psycho Les dans mon baladeur = du funk crado de luxe, des gros mots salauds-sympas et même des vrais frissons qu’on garde secrets (pour éviter toute méprise avec les sentiments pédés).
Avec du recul, je me dis que sans cette k7 t’aurais pas de Gasface entre les mains mais plutôt un de tes torchons de "culture urbaine". Alors copain, rends honneur à mes Beatnuts; à leur merde funky…
Il est temps de s’incliner devant ses deux débiles et de leur chatouiller les nuts.
" C'est les mecs de l'école qui ont commencé
à nous appeler "Beat Kings".
"
Do You Believe?


Large Pro, l'an passé, nous a beaucoup parlé de toi et des choses qu'il a apprises à ton contact.

Juju : (Sourire) Ah ouais ? On passait beaucoup de temps ensemble à l'époque... Paul (William Paul Mitchell aka Large Professor) habitait pas loin de chez nous. On vivait à Corona et lui à Flushing : ces deux quartiers du Queens se touchent... Vous connaissez Dr Butcher ?
Des X-Men1 ?
Ouais. C'est un vieil ami de Large Pro, c'est grâce à lui qu'on s'est capté. A l'époque, Dr Butcher vivait sur la 100ème et moi sur la 101ème... On s'entendait bien et je passais pas mal de temps chez lui : c'est là que j'ai rencontré Large Pro. A l'époque, pas mal de monde chillait chez Dr Butcher, Kool G Rap, aussi, était souvent là-bas2... Vous ne le savez peut-être pas, mais G Rap est de Corona lui aussi. Il habitait à un block de chez moi. Chez Butcher ? On scratchait tout le temps... Yeah, yeah !!! Tout le temps, mec ! Ou alors on glandait dans son salon, devant chez lui...
Quand as-tu commencé les platines ?
Hmm... Aux alentours de 86–88, je ne sais plus trop... J'avais 18-19 ans à l'époque.
Parait qu'on vous appelait les "Beat Kings" au lycée...
(Sourire) Ouais, ouais... (Gêné) Je ne sais pas... C'est les mecs de l'école qui ont commencé à nous appeler comme ça... On venait tous les jours avec des cassettes, et à l'heure du déjeuner, on allait écouter nos beats dans notre caisse. Alors tous les mecs de l'école qui rappaient un peu se pointaient et tout le monde se mettait à rapper pendant la pause... Je ne sais pas qui à lancé l'expression "Beat Kings" mais c'est vite devenu notre nom.
Il y avait de bons rappeurs dans ce lycée ?
Pas vraiment... Il y avait un mec qui s'appelait Roomie... (A Psycho Les) Tu te rappelles ? (Trop défoncé pour parler, Les cligne des yeux pour confirmer) Il était plutôt bon mais il n'a rien fait de sérieux par la suite. A part lui, je ne vois personne... Ah si ! Positive K était dans mon lycée ! Lui, il était bon...

Positive K Carhoppers


Le mec qui pose sur One for All des Brand Nubians ? D'ailleurs vous avez bossé avec Grand Puba sur Street Level. Il n'est pas du Queens, lui...
On a fait R U ready, sur notre premier album. En fait, on s'est rencontré en studio, à Soundtrack. C'est à Broadway, sur la 101ème... Grand Puba enregistrait en même temps que nous, du coup on a fait connaissance. Et comme il était cool, on l'a invité...
C'était à l'époque de son premier groupe Masters of Ceremony ?
Non, non ! C'était bien après... Je me rappelle de son groupe : Crazy Masters... A cette époque-là, j'étais encore deejay, je n'avais encore rien sorti... (A Nico) Tu te rappelles du maxi Dynamite ? Oh Putain ! (Juju commence à danser sur place en chantant le refrain) DYNAMITE ! Hin-hin...DYNAMITE ! (Rires)

Masters Of Ceremony Dynamite


Tu peux nous parler de DJ Loco Mo ?

(Etonné) Hein ?! C'est un vieux pote ! C'est grâce à lui que j'ai rencontré Les ! C'était mon grand pote... Il vivait dans le même immeuble que Les, au même étage mais à l'autre bout du couloir. A la base, j'allais mixer chez Mo, et Les passait de temps en temps. C'est comme ça qu'on est devenu amis Les et moi. C'était au début du lycée. Sans Mo, je pense que je n'aurais jamais rencontré Les. Je ne serais jamais allé dans cet immeuble... Les et lui ont toujours été voisins, et moi je connaissais Mo depuis la petite école. On a quand même mis du temps à se capter...
Il était vraiment "Loco" votre pote ?
(Rires) Grave. Et il l'est toujours... A ce qu'on m'a dit, il est devenu Mormon !
Hein ?!?
Ouais, mec. Mormon3.
Mormon comme les mecs qui vont à l'église et qui ont huit femmes ?
Ouais, c'est ça... (D'un coup, tout le monde se tait et imagine un dominicain du Queens habillé en Mormon). Mais ce mec faisait partie des pionniers. C'était un des tout premiers gars à avoir des breaks et à les jouer. Il avait déjà une collection de dingue à l'époque.
Il paraît que c'est vous qui avez présenté Rob Swift aux X-Men ?
Rob est du Queens, de la 89ème... On les a présenté il y a très longtemps de ça... Au départ, c'est grâce à Les que j'ai connu Rob. A l'époque, Les avait un groupe avec Rob et un mec de Philadelphie appelé JMD. Le groupe s'appelait 2-2-4 "2Bad 2 Be 4Real"... Sans rigoler, je vous file du blé si vous arrivez à choper ce vinyle...
Psycho Les : C'est un album qu'on a sorti quand on était au lycée. Juju a fait quelques beats, j'ai finalisé la production et Rob a fait les scratches...
C'est un très bon album, vraiment fat... Un vrai classique.
Psycho Les (grimaçant) : Bah, ça date de 88 : c'est nul maintenant...
A vos débuts, vous avez produit tout un album pour Chi-Ali...
L'idée est venue de Chris Lighty4. C'était le manager des Jungle Brothers à l'époque... Ca s'est passé comme ça : après avoir rencontré les Jungle Brothers, on s'est mis à tous traîner ensemble : De La Soul, Tribe Called Quest... Dès qu’un groupe enregistrait, tout le monde se pointait en studio. Comme il nous avait vu aux machines avec Afrika et De la Soul, Chris savait de qu'on était assez calé côté production... A la base, il voulait que ce soit les Jungle Brothers -ou bien De la Soul- qui produisent Chi-Ali, mais tous ces mecs était trop occupés. Ils auraient pu faire un titre ou deux, mais pas tout un album. Alors Chris s'est tourné vers nous, qui ne demandions qu'à bosser à l'époque. On l'a pris comme une opportunité de montrer ce qu'on savait faire.

Chi Ali Age ain't nuthin


C'est Monie Love qui a fait le lien entre vous et les Native Tongues ?
Non, c'est les Jungle Brothers. Je les ai rencontré en faisant les bacs, dans un magasin de disques appelé Downstairs Records... Afrika voulait s'acheter deux ou trois 45 tours et il lui manquait les sous pour le dernier skeud. Il avait l'air déçu alors je lui ai filé... A sa place, j'aurais piqué le disque, mais bon, c'était pas le genre d'Afrika...
D'après Large Pro, vous voliez pas mal de skeuds à l'époque... Il nous a parlé d'un magasin où vous balanciez les disques par la fenêtre à Les qui les rattrapait un étage plus bas...
(Rires) Ouais, je m'en rappelle. C'était un magasin de Manhattan. Ca s'appelait Datin...
Psycho Les : Le magasin n'existe plus, je crois qu'on l'a mis en faillite...
Vous avez produit des beats avec ces disques-là ?
Ouais, je crois bien qu'on s'en est servi sur Street Level... Est-ce que Paul vous a parlé de la fois où lui et moi on est allé avec Q-Tip dans un entrepôt ? Non ? C'était disposé comme ça : il y avait un magasin de disque d'un côté de la rue, et de l'autre côté un entrepôt. Le gérant nous ouvrait les portes de l'entrepôt puis il nous enfermait dedans -il y avait des tonnes de disques là-bas dedans-... Et quand on avait fini, on l'appelait, il venait nous ouvrir et on allait payer de l'autre côté de la rue... Une fois j'y suis allé avec une voiture de location : je suis d'abord passé prendre Large Pro, puis on est allé à Jamaïca -dans le Queens- pour choper Q-Tip. On lui propose de monter avec nous, il fait « Non, non, non : j'y vais avec ma caisse » (avec la voix cassée, il imite très mal Q-Tip). Tip venait juste de s'acheter une nouvelle caisse, une BMW. On va au magasin, Q-Tip nous suit... On arrive au magasin, le type nous enferme, et là... (Juju marque un temps d'arrêt pour faire du suspens)...on digge, on digge (il mime les doigts qui courent entre les pochettes) et donc : on digge, on digge... (rires)... On appelle le mec, il nous ouvre, on sort... On voit la BM de Q-Tip sur les jantes ! (Rires) Avec les vitres pétées et tout... Une BM toute neuve ! Les gamins du quartier ont tout piqué et après ils l'ont défoncé (mort de rires)... Et à côté, t'avais ma voiture de location que personne n'avait touchée ! Q-Tip est devenu dingue ce jour-là. Il voulait jouer le mec fly, mais y a pas moyen de laisser une BM toute neuve à New Brunswick, c'est de la folie...
Vous étiez proches de Lucien à cette époque…
Ouais... C'est marrant : Les et moi on parlait de lui cet après-midi... Ce mec est vraiment cool, et il a beaucoup de talent... C'est le seul producteur venu de l'extérieur qu'on ait eu sur Street Level : c'est lui qui a fait Ya don't Stop.

Beatnuts Ya don't Stop (prod : Lucien)


Il a aussi bossé avec Kurious Jorge... Vous avez des ses nouvelles ?
Je ne sais pas trop, il paraît qu'il revient... je l'ai croisé il n'y a pas si longtemps, il est censé bosser avec VIC... Vous voyez qui c'est ? Un ancien membre des Beatnuts, du tout début.

Kurious / Beatnuts / Big Pun / Chi Ali



C'est vrai que Ghostface a refusé le beat de No Escapin This ?
Ah bon ?
Psycho Les : Mais si. Rappelle-toi... On ne sait même pas pourquoi : il n'a rien dit.
Moi je sais pourquoi : c'est pas le genre de trucs sur lequel il pose, c'est tout. Un bon beat ne colle pas forcément à tous les emcees. C'était une instru pour les Beatnuts,il n'y a que nous qui pouvions en faire quelque chose.
Pareil pour Watch Out Now, le morceau aurait aussi été recalé...
Putain ! Un paquet de gens l'ont écouté et n'en ont pas voulu ! Attends, non... Je confonds avec Off the Books… On l'a fait écouter à Capone-N-Noreaga et ils l'ont boudé... Et ce ne sont pas les seuls...
Psycho Les : Pour Watch Out Now, c'était pareil. Fat Joe a entendu le beat et il n'en a pas voulu...
Juju : Ah ouais ? Je ne m'en rappelle pas... La première chose qui m'est venu à l'esprit en écoutant ce beat, c'est qu'il était taillé pour nous.
Psycho Les : Une fois qu'on a posé sur l'instru, on a proposé le morceau pour la compilation Violator : ils l'ont refusé ! Ils ont dit qu'il voulait un truc "plus dur" ! Alors on leur a filé Beatnuts Forever...
C'était la version de Watch Out Now qu'on connaît ? Avec les mêmes lyrics ?
Psycho Les : Non. C'était la même instru mais les lyrics étaient différents...
Juju : Les mecs sont passés à côté : leur compil' aurait pu devenir disque de platine...
Vous avez également eu des soucis avec Gimme Tha Ass ? Vous l'aviez bien sorti avant Men In Black ?
Ouais, mais on ne savait pas que Will Smith allait faire ce truc... Sony a refusé de promouvoir notre maxi pour ne pas perturber la trajectoire de Men in Black. De toute façon, ce titre n'était qu'une face B. Et puis c'était un peu une parodie, un titre pour déconner, donc c'est pas bien grave...
Je me rappelle d'un disque que t'as fait Les avec Scritti Polliti... Ce mec a fait un super maxi, et puis il a complètement disparu...
Psycho Les : C'est rien. Ca arrive tout le temps... Tu l'as aimé ce disque ? (Groswift acquiesce) J'aime beaucoup ce beat. Je le joue tout le temps en soirée... Mais toi tu l'as vraiment ce disque ? En vinyle et tout ? Ah Ouais ?!! (L'air étonné) Ah bon... Cool.
Et tes projets du moment ?
Je bosse sur mon album solo Psycho Therapy qui sort sous peu. Et je taffe également sur un disque avec Al Tariq.
Pour terminer, vous avez rencontré Paul C ?
Juju : Non, je n'ai pas eu ce plaisir, malheureusement... D'après ce que j'ai compris, c'était un peu le mentor de Large Pro. J'étais encore deejay quand il est mort. Il s'est fait tué vers 88-89...
On sait pourquoi ?
J'en sais rien. Je crois qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment. Les mecs venaient sans doute pour quelqu'un d'autre... C'est resté un mystère, personne ne sait ce qui s'est passé... D'après ce que je sais, c'était un type straight : il n'a jamais rien fait de mal, il n'était pas impliqué dans des trucs louches... C'était un blanc, tu vois ce que je veux dire ?*

Extrait de Gasface 01

Serge Gainsbourg Melody Nelson

Beatnuts Superbad


* Et toi ? Tu vois ce qu’il veut dire ?
Si tu crois savoir, envoie ta réponse sur Papier libre à Gasface Concours
« J’me comprends » / 43 René Leynaud / 69001 Lyon.
La solution la + raciste recevra une ceinture noire de Kung Foutre.


1 Ce crew de Deejays New-yorkais se forme en 1989 pour défier les Supermen de DJ Clark Kent. Le roster originel comprend Roc Raida, Sean C, Johnny Cash et Steve D puis viendront Dr. Butcher, Diamond J, Rob Swift, Mista Sinista et enfin Total Eclipse en 1996. En 1997, Roc Raida, Total Eclipse, Rob Swift et Mista Sinista sortent l’album X-Pressions sous le nom des X-Ecutioners. Sinista quitte le groupe en 2002 après la sortie de Built from Scratch.
2 Dr Butcher produit sur l’album 4 5 6 de Kool G Rap.

3 Joseph Smith fonde l’Eglise de Jésus Christ des Saints des derniers jours, ou Eglise Mormone, en 1830. Genèse : l’Ange Moroni lui rend visite & le rencarde sur un livre d’or qui se trouve dans la forêt à côté de chez lui. L’ouvrage est en "égyptien réformé" ?!! Mais pas de soucis, Joseph comprend tout et traduit en anglais… Le Livre de Mormon.
4 Introduit dans le biz par DJ Red Alert, Chris Lighty est un des plus gros managers du rap game.